VIe édition du forum social mondial




La VIe édition du forum social mondial, qui a eu lieu en janvier, aurait pu être une affaire beaucoup plus discrète et modérée si elle n’avait pas eu lieu dans la ville de Caracas, capitale de Venezuela, un pays qui est vu de plus en plus comme étant à la tête du mouvement de radicalisation de l’Amérique latine. Alors que les forums précédents étaient évacués d’idéologie politique, l’événement de cette année fut hanté à chaque instant par le spectre du socialisme. À travers la ville, les édifices étaient recouverts de slogans révolutionnaires et de murailles spectaculaires de Simon Bolivar, Che Guevara et Hugo Chávez. Plusieurs ateliers ont eu lieu dans l’Université bolivarienne, une institution de la classe ouvrière qui a ouvert ses portes il y a deux ans dans une édifice qui appartenait auparavant à une compagnie de pétrole. Le discours de Chavez lors de l’assemblée plénière devant 20 000 participantes a lancé l’appel pour l’établissement d’un front commun contre l’impérialisme et a déclaré que l’humanité avait deux choix pour son avenir: « Le socialisme ou la mort ».

Un nombre impressionnant de 80,000 personnes ont envahi la ville pour la conférence de quatre jours unissant des ONG, des militants et des révolutionnaires. En même temps, des militants en Afrique se sont réunis à Bamako, Mali pour la rencontre africaine de ce forum "polycentrique". La troisième rencontre qui devait avoir lieu à Karachi a dû être retardée en raison des inondations majeures. Elle aura lieu plus tard cette année.

La prépondérance du discours socialiste a ajouté du piquant à un événement qui aurait facilement pu être une simple conférence académique, déconnectée de la réalité dans laquelle vivent les pauvres dont la gauche prétend être le représentant. En effet, cette critique a été reprise par Manuel Barreto, coordonnateur de la mission bolivarienne dans le comté de La Vega qui a déclaré que « le Forum social a lieu dans les hôtels en ville et les universités, mais la révolution réelle se passe ici, dans les barrios ».

Néanmoins, le forum a rassemblé des militants, des ONG et des syndicalistes à travers l’hémisphère pour débattre des idées et d’accroître des réseaux. Bien que le forum n’est pas un corps décisionnel, la semaine a pris fin avec une déclaration d’action globale contre la guerre en Irak le 18 mars 2006.

Mais cette alliance n’était pas toujours en harmonie. Il y avait beaucoup d’enthousiasme par exemple pour la vague de socio-démocrates qui ont récemment obtenu un succès électoral important en Amérique latine. Une affiche produite par le gouvernement vénézuélien à l’occasion du sommet se lisait « Une autre Amérique est en marche » avec la photo de Chávez à côté de Lula (Brésil), Kirschner (Argentine), Lagos (Chili, maintenant remplacé par Michelle Bachelet) et le dernier personnage à éveiller l’excitation de la gauche, Evo Morales en Bolivie. Le même enthousiasme était ressenti à l’égard de Lopez Obrador du Mexique, le politicien populiste de gauche qui devrait déloger Vicente Fox aux élections de juillet.

En même temps cependant, des ateliers ont porté sur des sujets aussi diversifiés que l’héritage laissé derrière par Che Guevara, la signification du socialisme au 21ème siècle, des théories économiques post-capitalistes, la place des femmes dans la révolution bolivarienne et le mouvement global pour la paix.

Haïti était un autre enjeu qui a semé la tension dans l’alliance entre les ONG et les militants. Alors que des groupes tel le Mouvement du 30 septembre et le Réseau d’action Canada-Haïti a organisé des ateliers pour discuter de la situation politique depuis l’enlèvement d’Aristide par le Canada, les Etats-Unis et la France, d’autres ONG ont maintenu une position différente, accueillant l’intervention internationale pour déloger un gouvernement « fasciste » selon une représentante d’un groupe venant en aide aux femmes violentées dans le pays. Et bien que Chávez lui-même a parlé contre le coup d’état ressemblant étrangement à la tentative américaine de le déloger en 2002, il a choisi de laisser Camille Chalmers siéger à sa table de dignitaires lors du forum. Chalmers siège également au Conseil d’administration de l’ONG canadien Alternatives et s’oppose publiquement à la lutte haïtienne pour la souveraineté.

Malgré ces différends, le Forum social mondial 2006 devrait être vu comme un moment qui a propulsé le mouvement anti-capitaliste de l’avant, en reliant les groupes et renforçant les réseaux qui s’opposent au capitalisme, en fournissant un lieu de débat à l’intérieur du mouvement et surtout, en ravivant le fantôme du socialisme pour une nouvelle génération.

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